Cry me a river
Voyage vers la sagesse des pleureuses de Carélie
( Titre provisoire )
Dans le pays de mes ancêtres, la Carélie, la tradition voulait que chaque femme sût pleurer. Ces chants improvisés se pratiquaient seule, dans la forêt, pour faire sortir des émotions, pour se soigner. Les mots forts en poésie, un rythme particulier et une mélodie de pleurs donnaient un cadre au lâcher prise.
Pendant les rites de transition (funérailles/ mariages), le rôle des pleureuses professionnelles était
d’accompagner le public, l’aider à pleurer. Ce rite universel se trouvait dans le monde entier, mais a
quasiment disparu dans les pays occidentaux.
J’ai participé à un stage de « pleurs chantés » en Finlande en 2007, organisé par quelques chanteuses contemporaines qui sont en train de faire revivre et réinventer la tradition oubliée. Depuis, je porte une partie de cette sagesse ancienne en moi.
Je suis marquée par le fait que notre société « moderne » semble avoir oublié les rituels de partage
des émotions. Montrer ses émotions dans un lieu public est jugé comme une faiblesse. Dans le même temps, nous avons soif de voir et ressentir l’humanité de l’autre, sauf qu’aujourd’hui c’est dans les séries de télé-réalité que l’on cherche à voir « les vrais larmes. » Nous avons besoin de ces moments de purification, mais nous avons perdu les outils pour laisser couler nos émotions.
« Pleurer » dans cette tradition veut dire « chanter. » Et pour moi, « chanter », c’est autant avec la voix, qu’avec le corps. « Pleurer » ne veut pas dire non plus « se lamenter », c’est un lâcher prise qui amène vers le renouveau. Une purification pour renaître.
Ce spectacle me vient comme une nécessité de partager mon univers artistique. La thématique des
pleurs me guide autant vers la rivière profonde de l’être humain, qu’elle évoque son absurdité et sa
maladresse devant ses propres émotions. Je vois les pleureuses comme les antipodes des clowns, des anti-clowns en quelque sorte.
Après les larmes, surgit le rire.
Sanja Kosonen